La preuve par l’œuf

Alors que la France est leader européen incontesté de la production d’œufs, de nombreuses sociétés françaises dont certaines très éloignées de Pays-Bas ont pourtant acheté des œufs hollandais contaminés au fipronil. A de trop peu nombreuses exceptions près, la filière agroalimentaire est gouvernée par le régime du moins disant.

Les Etats Généraux de l’Alimentation changeront-ils la donne ? Il est permis d’en douter à voir l’atelier 5, intitulé « rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs », coprésidé par le directeur général de Danone et le patron de l’enseigne de grande distribution Système U. Comme, si, au lieu d’encadrer les troupeaux de moutons par des chiens de bergers, on faisait appel à des loups ! Au final, ce sera toujours le règne du « business is business » et les producteurs demeureront inexorablement le maillon faible.

Beaucoup se complaisent déjà ainsi et gémissent sans bouger. Pour les productions de masse, compétitivité et respect des règles de concurrence sont les seules marges de manœuvre. Encore faut-il se donner les moyens d’agir. A la veille d’un procès devant la Cour d’appel de Bordeaux, les éleveurs conventionnels dépensent toujours tous les ans un surplus d’environ 500 millions d’euros en médicaments vétérinaires en raison de distorsions de concurrence au sein de l’Union Européenne.

Autre exemple : Éleveurs et céréaliers, guère favorisés par les cours, auraient intérêt à faire du commerce directement entre eux comme le syndicat OPG (Organisation des Producteurs de Grains, l’Association Générale des Producteurs de Blé de la Coordination Rurale) le suggère depuis des années. D’autres pour se défaire du pernicieux système ont opté pour les signes de qualité. Globalement, les producteurs bio sont bien plus sereins que les autres. Ceux qui sont aussi en circuits courts savent pour qui ils travaillent car ils gardent la valeur ajoutée.

Ainsi, en est-il pour Pascal et Sylvie L’Hermitte, situés près de Dinan, présentés dans le dernier ALTERNATIVES ECONOMIQUES. Alors que nombreux de leurs collègues bretons producteurs de porcs ont fini sur la paille, eux élèvent leurs cochons sur la paille et en vivent bien. Indépendant dans l’âme – il a combattu pour l’insémination artificielle libre avant de dire adieu veaux, vaches à lait, une production où il considérait ses marges de manœuvre trop réduites – Pascal n’est pas individualiste. Pour preuve, il a monté un circuit court en travaillant en réseau. Évitant de mettre tous ses œufs dans un même panier, il livre des consommateurs en direct, travaille avec des bouchers et commerce avec une grande surface qui ne discute pas le prix tant sa viande de qualité est prisée par le consommateur. L’éleveur casse les codes en faisant rencontrer des lycées hôteliers et des lycées agricoles, il anticipe les mesures environnementales pour ne pas les subir et surtout valorise son travail. Et comme beau pied de nez aux écologistes qui incriminent seulement les nitrates dans le développement des algues vertes en oubliant le rôle des phosphates urbains, avec Sylvie il a mis au point d’excellentes rillettes au wakamé.

Dans un marché concurrentiel, il faut savoir sortir des sentiers battus. Comme disait, le poète Paul Eluard, « Le passé est un œuf cassé, l’avenir est un œuf couvé » …

 

Cet article provient de l’Editorial de Monsieur Guy Laluc journaliste et éditeur de ARGOS « Rendre public ce qui voulait rester caché. »

 

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