Emmanuel Macron était en déplacement mercredi soir à Rungis afin de s’adresser aux agriculteurs. A-t-il répondu aux attentes de ces derniers ?
Commençons par rappeler deux choses : au moins 400 paysans se suicident chaque année et 200 fermes disparaissent chaque semaine. Ce sont 56% d’exploitations qui ont disparu depuis 25 ans. Pour les plus petites, le chiffre grimpe même à 70%. À ce niveau là, c’est une civilisation entière qui disparaît. Face à cela, Emmanuel Macron a insisté sur un point : les paysans doivent pouvoir vivre de leur travail. Mais cela devrait être une évidence pour des gens qui travaillent jusqu’à 15h par jour.
Le président veut organiser les filières pour rééquilibrer le poids des producteurs face au monopole des quatre centrales d’achats (Casino/Intermarché, Provera/Carrefour, Système U/Auchan et Leclerc). En fait, il s’agira de légiférer par ordonnances en 2018 et d’ici là de faire pression sur les distributeurs puisque les négociations commencent en novembre. Dans la mesure où ces revendications sont celles défendues par la FNSEA, le principal syndicat agricole, Emmanuel Macron joue sur du velours.
On notera tout de même qu’il y avait un point conflictuel : le relèvement du seuil de revente à perte, ce qui fâchait très fort Michel-Édouard Leclerc. Là-dessus, sans surprise, il y a eu rétropédalage sous prétexte que certaines associations de consommateurs craignent une hausse des prix pour les ménages. On va donc continuer à faire croire aux consommateurs que ceux qui leur promettent des prix toujours plus bas le font pour leur bien, et que tout ça n’a aucune conséquence sur le chômage et la ruine de nos filières agricoles.
On notera tout de même une volonté d’agir de la part du chef de l’État, à ceci près que l’on marche sur une seule jambe. La question du prix payé aux producteurs ne représente qu’une partie du problème. C’est la seule qui surnage après des états généraux de l’alimentation qui ont laissé la part belle aux plus gros, c’est-à-dire la FNSEA, les industriels et les distributeurs. Mais la ruine de notre agriculture vient surtout du choix d’un modèle industriel défendu farouchement par le syndicat majoritaire : toujours moins de paysans et moins de qualité en espérant préserver des parts de marché sur les rayons des distributeurs, alors que le modèle qualitatif (appellations d’origine, agriculture biologique, permaculture) permet de préserver la terre, la santé et le revenu des paysans.
Mais ce n’est pas la seule impasse de notre président. Le point qu’il évite d’aborder est le suivant: vous ne pouvez pas vouloir en même temps des paysans correctement rémunérés et un système économique basé sur le libre échange, parce que la suppression des droits de douane et des normes permet aux distributeurs et aux industriels d’exercer un chantage sur les producteurs. En résumé : « des prix bas où on se fournit ailleurs ! » Donc, quand on accepte le CETA, le traité de libre échange avec le Canada, on les tue les paysans.
Lien d’Edito :
https://www.sudradio.fr/economie/les-annonces-demmanuel-macron-sur-lagriculture-sont-elles-suffisantes