Dans le bon sens

 

Alors que l’Union européenne fait plaisir à Donald Trump en se proposant de lui acheter davantage de soja (OGM), le groupe coopératif In Vivo vend son pôle alimentation animale à une firme américaine. Dirigé par des Soissonnais, le conquérant groupe coopératif sucrier Tereos, à l’endettement record, connaîtra-t-il la même issue que le célèbre vase ? Le groupe coopératif laitier Sodiaal, qui avait misé sur la vocation exportatrice, se fait lâcher par ses alliés chinois. Ces groupes agro-alimentaires apparaissent comme des monstres aux pieds d’argile. Logique car la base, ceux et celles qui les ont créés, a été oubliée.

 

Pendant ce temps là, c’est l’été et de très nombreux randonneurs longent La Loire à vélo sur plus de 700 kilomètres de chemins et de routes partagées. Cette route à cyclos borde d’un côté ce fleuve capricieux et de l’autre une très belle campagne endormie. Hakim, fils de paysan kabyle, rencontré au camping de Langeais (37), raconte avec passion sa jeunesse dans son village du Maghreb. C’était la fête avec l’arrivée des Touaregs venus échanger étoffes contre nourriture. Ce passé est révolu et en Algérie aussi les paysans se concentrent et la solidarité disparaît. A l’autre bout de la Loire, à quelques encablures de Frossay (44), un ex-vieux paysan de 89 ans évoque le village de son passé pas si lointain avec ses 170 agriculteurs quasi autonomes. Aujourd’hui, ils ne sont que 6 mais devenus très dépendants de la filière…

 

Où sont les paysans et les vignerons face aux consommateurs et acheteurs potentiels dont les très nombreux étrangers ? Quant aux médecins, ils quittent ces superbes villages qui ne vivent que l’été, regrette une ex-tapissière de Mer (41). A des cousins québécois rencontrés à Gien (45) et qui trouvent les Français un peu radins et peu commerçants, c’est le parcours du combattant pour leur faire déguster un délicieux vin blanc local à une température décente en cette période caniculaire. A l’heure où les vegans s’enracinent , les superbes vaches à viande qui broutent paisiblement tout au long du fleuve dans des paysages de cartes postales sont valorisées au même prix que les vaches laitières de réforme ! A Sully (45), ville étape, l’ancien ministre d’Henri IV, connu pour son « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », doit se retourner dans sa tombe.

 

Entre Saint Nazaire et Nevers, les enrouleurs et les pivots d’irrigation sont plus visibles que les agriculteurs qui courent le nez dans le guidon, souvent endettés et écrasés par les dures réalités du quotidien. Ceux-ci se rassurent comme ils peuvent en achetant des machines, de la ferraille, suite à l’embellie des cours des céréales.

 

Sur plus de 700 kilomètres, une seule ferme, à Herry (18), propose des produits de terroir et on vient y déjeuner depuis Bourges et Nevers. Parfum d’oasis à la Charité/Loire avec la création d’une « goguette » par une association de bénévoles. Là, la viande locale est célébrée avec un magnifique parfait charolais. Ce plat savoureux n’est pas arrivé dans ce lieu grâce à l’action d’un éleveur ou d’un acteur de l’inter profession bovine mais suite à des propositions de consommateurs.

 

Parfois, à cause de tourbillons, on ne sait plus dans quel sens coule le fleuve. Avec une société qui perd la boule, l’agriculteur n’échappe pas à cette perte de sens où la quantité prime sur la qualité. Mais des signes annonciateurs germent ici et là et le bon reprend ses droits. N’oublions pas que seul le bon sens fait les hommes capables, devisait Napoléon Bonaparte dans ses maximes et pensées.

 

Editorial Guy Laluc « Rendre public ce qui voulait rester caché »

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