Depuis ma plus tendre enfance, j’ai été bercée par des récits de la grande guerre : un aïeul blessé et allongé sous un arbre, les secours ont retrouvé un grand trou à la place de l’arbre et du corps ; un soldat revenant du front et trouvant à la place d’une maison familiale pleine d’enfants des bombes et un trou béant ; une grand-mère cachée derrière un tas de fumier avec un cheval de trait pour éviter la réquisition de son outil de travail.

L’Europe a été créée à la suite de tous ces événements afin d’assurer notamment une paix durable entre plusieurs pays. Elle avait aussi une volonté commune de se relever de ce désastre humain et financier en mettant en commun les productions de charbon et d’acier puis une politique agricole commune quelques années plus tard.

Même si le but initial de l’Union entre États était louable, les traités ratifiés ont été une porte ouverte à ces grands groupes qui nous dictent aujourd’hui la façon de produire, de manger, de vivre et de travailler. Le dernier exemple en date est celui du traité de libre échange (CETA) ratifié en Février 2017 avec le Canada.

La grande question est : « à qui cela profite-t-il ? »

Aux éleveurs, aux producteurs ou aux groupes industriels ?

Ces derniers s’assurent leurs matières premières à prix exigés et non demandés !

Cette politique du « si tu n’es pas content je vais voir ailleurs » est aujourd’hui appliquée et tue notre monde agricole. La dernière planche de salut contre ce libre échange peut être le coût du transport.

La rentabilité demandée par ces lobbyistes impose une uniformité de notre production entraînant peu à peu une perte de notre terroir, de notre patrimoine culinaire pour lesquels, et fort heureusement, de grands chefs comme de simples épicuriens se battent.

Certains politiciens européens, appuyés sans nul doute par les lobbyistes sont, au fil du temps et des lois, parvenus à brider les états dans leurs actions pour défendre leurs atouts agricoles. J’ai en effet été effarée de constater l’impossibilité de notre gouvernement actuel à réagir face à la crise du marché du porc breton survenue en Juillet 2015. J’ai été effarée de voir, par exemple, qu’une centrale d’achat voulant rémunérer des éleveurs à un coût supérieur que celui du marché du porc breton se retrouve menacée de sanctions financières pour non-respect de la concurrence européenne. Je suis maintenant effarée devant le nombre de suicides, de dépression dans les élevages, notamment bovins, sans qu’aucune réaction à la hauteur du malaise ne soit portée ! Il y a quelques actions mais qui ne résolvent pas le problème de fond. Mettre un cataplasme sur une jambe de bois, ça ne dure qu’un temps !

Comment pouvons-nous parler de concurrence loyale si les normes et les coûts de productions ne sont pas les mêmes entre pays ? Comment pouvons-nous parler de libre-échange entre états alors qu’à un niveau plus bas des individus se suicident dans une totale indifférence, tout cela pour produire plus !

N’ayant plus aucun garde-fou, cet objectif de produire plus à moindre coût entraîne un déferlement de jalousie, une indifférence totale à la misère de son voisin mais surtout plus aucun sens moral dans le monde agricole.

Mes grands-parents ont connu la construction de l’Europe afin de se relever économiquement de la Seconde Guerre mondiale. Mes parents ont connu l’agrandissement de l’Europe, passant de 6 à 28 pays. Je suis la troisième génération, celle de la destruction : en effet aujourd’hui l’Europe se divise, en commençant par le « Brexit ».

Aujourd’hui l’Europe est devenue pour moi une oligarchie tenue par des personnes totalement déconnectées de notre réalité. Elles n’ont jamais travaillé dans des industries, dans des fermes … Elles créent des lois et des normes sans avoir été sur le terrain et sans avoir été à notre place, effectuant notre travail, recevant notre paie à la fin du mois !

Il y a un tel fossé entre ce monde politique et nous !

Comment peut-on diriger autant de pays sans être confrontés à la misère humaine créée par ces lois ?

Comment peut-on annoncer d’autres lois alors que des cris de détresses et de désespoirs se font entendre dans nos campagnes ?

Comment peut-on sortir les agriculteurs de cette misère ?

    • Les circuits courts peuvent ils fonctionner si tous les éleveurs le pratiquent ? Même chose pour le Bio ?

    • Former des coopératives ? Beaucoup aujourd’hui n’ont de coopératif que le nom !

    • Produire et vendre soi-même ses produits ? Ça serait un beau retour en arrière !

    • Expliquer aux médias que les agriculteurs ne sont pas que des tortionnaires d’animaux et des pollueurs ? Ce serait déjà un bon début !

Commencer par demander au gouvernement de prendre ses responsabilités face aux lois Européennes et réagir afin de sauver la politique agricole de ce pays, d’aller sur le terrain et d’écouter ceux qui y travaillent car ce sont eux, les agriculteurs, qui pourront sauver cette agriculture française !

Ça, ce serait un sacré changement !

 

Ecrit par Hélène B. éleveuse en porcs dans le Nord de la France

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